Miles Davis
Miles Dewey Davis III, né le 26 mai 1926 à Alton, dans l'Illinois et mort le 28 septembre 1991 à Santa Monica, en Californie, est un compositeur et trompettiste de jazz américain.
Miles Davis commence à jouer de la trompette à l'âge de treize ans. Il fut à la pointe de beaucoup d'évolutions dans le jazz et s'est particulièrement distingué par sa capacité à découvrir et à s'entourer de nouveaux talents. Son jeu se caractérise par une grande sensibilité musicale et par la fragilité qu'il arrive à donner au son. Il marque l'histoire du jazz et de la musique du XXe siècle. Beaucoup de grands noms du jazz des années 1940 à 1980 travaillent avec lui.
Les différentes formations de Miles Davis sont comme des laboratoires au sein desquels se sont révélés les talents de nouvelles générations et les nouveaux horizons de la musique moderne ; notamment Sonny Rollins, Julian « Cannonball » Adderley, Bill Evans et John Coltrane durant les années 1950. De 1960 aux années 1980 ses sidemen se nomment Herbie Hancock, Wayne Shorter, George Coleman, Chick Corea, John McLaughlin, Keith Jarrett, Tony Williams, Joe Zawinul, Dave Liebman et Kenny Garrett ; c'est avec eux qu'il s'oriente vers le jazz fusion, dont il reste l'un des pionniers. La découverte de la musique de Jimi Hendrix est déterminante dans cette évolution, mais surtout le choc du festival de Newport, en 1969, où l'on assiste à l'origine exclusivement à des concerts de jazz, mais qui, cette année-là, programme du rock. Nombre de musiciens qui passent par ses formations de 1963 à 1969 forment ensuite les groupes emblématiques du jazz fusion, notamment Weather Report, animé par Wayne Shorter et Joe Zawinul, Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin, Return to Forever de Chick Corea, ainsi que les différents groupes de Herbie Hancock.
Miles Davis est un des rares jazzmen et l'un des premiers musiciens noirs à être connu et accepté par l'Amérique moyenne, remportant même le trophée de l'homme le mieux habillé de l'année du mensuel GQ pendant les années 1960. Comme Louis Armstrong, Miles Davis est ce phénomène curieux : une superstar du jazz. À la différence de son glorieux aîné qui avait recherché l'intégration à la culture grand public dominée par la population blanche, le parcours musical de Miles Davis s'accompagne d'une prise de position politique en faveur de la cause noire et de sa lutte contre le racisme. En 1985, il participe à l'album Sun City contre l'apartheid à l'initiative de Steven Van Zandt.
En France, c'est l'enregistrement de la musique du film Ascenseur pour l'échafaud en 1957 de Louis Malle qui le rend célèbre. Son dernier album, Doo-bop, publié en 1992 après sa mort, laisse éclater des influences rap.
Biographie
Apprentissage (1926-1944)
Le 26 mai 1926[1], Cleorita Henry donne naissance à Miles Deway Davis III, à Alton (Illinois), sur les bords du Mississippi. L'enfant grandit dans un milieu familial relativement riche (son père Miles Dewey Davis II est chirurgien-dentiste) et mélomane : sa mère joue du piano et du violon, et sa grand-mère maternelle était professeur d'orgue dans l'Arkansas ; sa sœur aînée, Dorothy, et son frère cadet, Vernon, étudient également la musique.
L'année suivante, la famille déménage et s'installe à East Saint Louis, Illinois, où son père a ouvert un cabinet dentaire. Lorsque le jeune Miles fréquente l’école primaire, sa famille habite un quartier à prédominance blanche, où il fait pour la première fois la douloureuse expérience du racisme. Le garçon se passionne pour le sport — baseball, football américain, basket-ball, natation et surtout boxe — mais aussi pour la musique : il suit avec passion l'émission radiophonique de jazz Harlem Rhythms. À l'âge de neuf ou dix ans, un ami de son père, le docteur John Eubanks, lui offre une trompette, dont il commence rapidement à jouer.
En 1939, collégien à la Crispus Attucks Junior High, il prend des cours de trompette avec Elwood Buchanan, un autre ami de son père, professeur à la Lincoln High où Miles étudie bientôt. C’est ce maître qui fait découvrir les particularités de la trompette jazz au jeune Miles, et qui l’aide à développer les fondements de son style, en l’encourageant, d’une part, à jouer sans vibrato, et en l’initiant, d’autre part, au jeu de trompettistes comme Bobby Hackett et Harold Baker, caractérisé par la sobriété, la douceur et le lyrisme. Il suit également des leçons avec Joseph Gustat, la première trompette et le chef de pupitre de l'orchestre symphonique de Saint-Louis, et il joue dans l'orchestre de son école, dont il est le plus jeune élément.
Après sa rencontre avec le trompettiste Clark Terry, figure du jazz local, qui exerce sur lui une profonde influence, Miles devient professionnel vers 1942, en s'inscrivant à la Fédération américaine des musiciens. Fréquentant assidûment les clubs de la ville, malgré son jeune âge qui lui en interdit en principe l'accès, il commence à jouer en public dès que possible, acquérant une petite réputation régionale, tout en continuant à fréquenter la high school.
En 1942, à l'âge de 16 ans, il fait la connaissance d'Irene Birth, sa première véritable petite amie, dont il aura trois enfants. Irene le défie d'appeler Eddie Randle pour se faire engager dans son orchestre de rhythm and blues, les Blue Devils. À la suite d'une audition, il est engagé comme trompettiste, mais se voit également confier de nombreuses corvées, comme l'organisation des répétitions, acquérant ainsi une solide connaissance du métier. Comme Miles le confirmera plus tard dans des entrevues, c’est également au cours de cette période qu’il développe un goût prononcé pour la théorie musicale, goût qui allait concourir à rendre possible les nombreuses évolutions stylistiques qui caractérisent sa carrière. En plus de morceaux essentiellement blues, les Blue Devils jouent, entre East Saint Louis et Saint-Louis (Missouri), du Duke Ellington, Lionel Hampton ou Benny Goodman, donnant à Miles l'occasion de hanter les jam-sessions aux côtés de son nouvel ami Clark Terry, « faisant le bœuf » avec des musiciens célèbres comme Roy Eldridge, Kenny Dorham, Benny Carter et surtout Lester Young, idole des saxophonistes et l'un des modèles de Miles.
En 1944, alors que, jeune diplômé de Lincoln High et très demandé par les orchestres de la région, Miles hésite sur la carrière à suivre, naît sa première fille, Cheryl. À la même époque, ses parents divorcent et ses relations avec sa mère, depuis longtemps conflictuelles, se dégradent encore.
Années bebop
En juin 1944, à 18 ans, après être revenu déçu de son bref engagement au sein d'un groupe de La Nouvelle-Orléans, les Six Brown Cats d'Adam Lambert, pour lesquels il a quitté les Blue Devils (les autres orchestres de la région ne pouvant pas s'offrir les quatre-vingts dollars par semaine qu'il exigeait, Miles Davis hésite entre rejoindre la Faculté de chirurgie dentaire, ou suivre Clark Terry dans l'orchestre de l'U.S. Navy. C'est à cette époque que le big band de Billy Eckstine vient jouer dans un club de St Louis. Ce groupe pas comme les autres cherche à adapter au format big band la révolution bebop qui secoue le milieu du Jazz depuis le début des années 1940. Il réunit les deux créateurs et plus célèbres musiciens du genre, le trompettiste Dizzy Gillespie et le saxophoniste Charlie Parker. Au début du concert, coup de chance : Gillespie vient trouver Davis dans la salle pour lui demander de les rejoindre sur scène pour remplacer un trompettiste défaillant[11]. Émerveillé par cette rencontre musicale, Miles prend une décision essentielle : il rejoindra le groupe à New York.
Grâce à l'aide financière de son père qui l’a toujours énormément encouragé et soutenu, à la fois moralement et matériellement, il s'inscrit à la rentrée 1944 à la célèbre école de musique Juilliard de New York, dont l'enseignement l'ennuie assez rapidement. Mais son véritable but est ailleurs : il commence à fréquenter assidûment le Minton's dans la 118e rue, berceau légendaire du Bebop, à la recherche de Parker et Gillespie. C'est à cette époque qu'il rencontre les trompettistes Freddie Webster et Fats Navarro, qui deviennent ses amis et complices musicaux. Ayant finalement mis la main sur Gillespie et Parker, qui, fauché comme toujours, s'installera quelque temps chez Miles, il s'initie aux subtilités du Bebop, style musical particulièrement complexe et ardu. De plus, Parker, alias Bird, le présente aux autres légendes du style, dont le pianiste Thelonious Monk.
Parallèlement à ses études à la Juilliard School, où il apprend le piano et s'initie aux compositeurs contemporains comme Prokofiev, Miles devient un habitué des jam-sessions de la nuit new-yorkaise. Il accompagne notamment la grande chanteuse Billie Holiday au sein de l'orchestre du saxophoniste Coleman Hawkins. À propos de cette époque, il confiera plus tard : « Je pouvais en apprendre plus en une nuit au Minton's qu'en deux ans d'études à la Juilliard School. »
Les choses commencent à bouger pour le jeune trompettiste : il obtient son premier engagement officiel début 1945, aux côtés du saxophoniste ténor Eddie « Lockjaw » Davis. Le 24 avril, il réalise son premier enregistrement en studio, gravant quatre premiers morceaux avec un quintet accompagnant le chanteur Rubberlegs (« jambes de caoutchouc ») Williams sous la direction du saxophoniste Herbie Fields. Ces morceaux de blues fantaisistes, centrés sur le chant, ne lui donnent guère l'occasion de montrer son talent, mais c'est un début.
En octobre, il intègre enfin le quintet de Charlie Parker, en tant que remplaçant de Dizzy Gillespie, qui a quitté le groupe. Le 26 novembre, le groupe enregistre, Gillespie étant de retour... au piano. Le 28 mars 1946, Miles enregistre à nouveau, avec un Parker au sommet de son succès, les classiques Moose The Mooche, Yardbird Suite, Ornithology et A Night in Tunisia. La sonorité douce et le calme de son jeu, s'opposant à la véhémence de Charlie Parker, s'éloignent également beaucoup du style Gillespie, qu'il a d'abord tenté d'imiter avant de renoncer. Cette différence lui attire quelques critiques négatives, mais Davis impose rapidement son style propre. Le magazine Esquire le proclame « Nouvelle Star de la Trompette Jazz ». Le 8 mai, Miles compose et enregistre sa première composition personnelle, Donna Lee, qui attire l'attention du célèbre arrangeur Gil Evans. Il restera trois ans dans le groupe de Parker, apprenant beaucoup et gravant plusieurs morceaux légendaires, mais faisant également connaissance avec les mauvaises habitudes du saxophoniste et de son entourage, au premier rang desquels la drogue, principalement l'héroïne, qui fait des ravages chez les « boppers ». Miles parvient dans un premier temps à ne pas tomber dans la toxicomanie, mais supporte de plus en plus mal le comportement erratique qu'elle induit chez ses collègues.
À l'automne 1946, Charlie Parker, à bout de forces, est hospitalisé pour sept mois à Camarillo. Sans groupe, Miles Davis joue notamment avec Charles Mingus, avant de rejoindre à nouveau l'orchestre de Billy Eckstine pour une tournée. Au printemps 1947, le groupe est dissout, et Miles est sans travail, après des années de résistance il plonge dans la cocaïne et l'héroïne. Pendant quelques semaines, il joue au sein du big band de Dizzy Gillespie, puis rejoint un Charlie Parker remis sur pied. Célébré par les lecteurs de magazines jazz prestigieux dans leurs référendums annuels, participant à des enregistrements légendaires avec les musiciens les plus réputés du Bebop, Davis est pourtant en 1948 un homme frustré, impatient de créer une musique qui lui soit propre.
Naissance du cool jazz
À l'été 1948, Miles Davis, en collaboration avec l'arrangeur Gil Evans, rencontré plusieurs années auparavant, décide de mettre son projet à exécution en se détachant des principes du bebop pour participer à une nouvelle forme de jazz. Installé à New York, il fonde un nouveau groupe, intermédiaire entre le big band et les petites formations bebop, un nonette, où chaque section devra, dans l'esprit de ses créateurs, imiter l'un des registres de la voix humaine, la section rythmique comprend contrebasse, batterie et piano, tenu par l'ancien batteur de Charlie Parker, Max Roach. Pour les instruments à vent, on trouve en plus de la trompette de Davis et du saxophone de Gerry Mulligan, un trombone, un cor d'harmonie, un saxophone baryton et un tuba. Le 18 septembre 1948, le nonette se produit pour la première fois en public, assurant la première partie du spectacle de Count Basie au Royal Roost de New York, sous le titre Nonet de Miles Davis, arrangement de Gerry Mulligan, Gil Evans et John Lewis. Une dénomination inhabituelle qui trahit la volonté de créer une musique reposant largement sur les arrangements. Jouant une musique dont l'orchestration riche, les arrangements soignés et la relative lenteur rompent radicalement avec l'urgence du bebop, le groupe est notamment remarqué par le directeur artistique des disques Capitol Records, Pete Rugolo, qui se montre très intéressé.
Après un contretemps dû à la grève des enregistrements de 1948, pendant laquelle Miles refuse de rejoindre le groupe de Duke Ellington, le nonette entre finalement en studio, début 1949, à New York, pour une série de trois séances qui vont changer la face du jazz. En quinze mois et avec de nombreux musiciens différents, le groupe enregistre une douzaine de morceaux, dont les titres Godchild, Move, Budo, Jeru, Boplicity et Israel. Six d'entre eux sortent en 78 tours, le reste devra attendre les années 1950 et le célèbre album Birth of the Cool, sorti longtemps après les faits, pour voir le jour.
Le cool jazz est né, mais ce n'est pas une révolution immédiate : le nonette rapidement dissous, cette nouvelle musique mettra plusieurs années à s'imposer auprès des musiciens et du public. En 1949, Miles Davis effectue son premier voyage à l'étranger pour participer, le 8 mai, au Festival international de jazz à Paris, salle Pleyel. Co-dirigeant un groupe avec le pianiste Tadd Dameron, il rencontre l'élite intellectuelle et artistique parisienne de l'époque : Jean-Paul Sartre, Boris Vian, Pablo Picasso et surtout Juliette Gréco. Pour le trompettiste, c'est une véritable révélation. La France est à l'époque un pays beaucoup moins raciste que les États-Unis, surtout dans le milieu qu'il fréquente à Paris. Il a pour la première fois la sensation, comme il le dira dans son autobiographie « d'être traité comme un être humain ». Amoureux de Juliette Gréco, il hésite à l'épouser, ce qui serait tout simplement impensable dans son pays natal (à l'époque, les unions « mixtes » entre Noirs et Blancs sont encore tout simplement illégales dans de nombreux États américains). Ne voulant pas lui imposer une vie aux États-Unis en tant qu'épouse d'un Noir américain, et elle ne voulant pas abandonner sa carrière en France, il renonce et rentre à New York à la fin mai.
Drogues et hard bop
De retour aux États-Unis, sa séparation avec Juliette Gréco et sa sortie du milieu artistique parisien lui pèsent et il replonge dans l'héroïne. Il laisse sa femme et ses enfants dans un appartement du Queens et s'installe dans un hôtel de la 48e rue à New York, où il finance ses injections quotidiennes d'héroïne en exerçant comme proxénète sur des femmes. Suite à ses problèmes d'argent, sa maison est saisie par une société de crédit. À cette période, il tourne avec d'autres musiciens, notamment au sein de l'orchestre reformée de Billy Eckstine (ses composants seraient censés consommer des drogues également?), et se retrouve en prison à Los Angeles, à la suite d'une descente de police.
Les années suivantes, Davis continue à enregistrer avec de nombreux artistes très cotés, tels que Charlie Parker, les chanteuses Sarah Vaughan et Billie Holiday, Jackie McLean, Philly Joe Jones ou Sonny Rollins. Il fait également la connaissance d'un jeune saxophoniste, John Coltrane, avec qui il joue brièvement à l'Audubon Ballroom de Manhattan. Mais, malgré l'intervention énergique de son père, qui le ramène chez lui à East St Louis et va même jusqu'à le faire arrêter par la police, il ne parvient pas à décrocher de la drogue. C'est après la rencontre en 1953 avec la danseuse Frances Taylor, qui va devenir sa seconde épouse, qu'il réussira à se désintoxiquer.
Après une difficile lutte contre son addiction à l'héroïne, dans la ferme de son père, il émerge en février 1954 et réunit un nouveau sextet qui compte notamment le batteur Kenny Clarke et le pianiste Horace Silver. Ensemble, ils posent les bases d'un nouveau style, qui deviendra après le Bebop et le Cool la « troisième vague » du Jazz moderne : le hard bop. Réaction contre le cool jazz qu'il a lui-même lancé, ce nouveau style plus énergique (sans atteindre les sommets du Bebop) est également plus simple harmoniquement que le Bebop. Il est notamment influencé par le rhythm and blues, mais aussi par une nouveauté technologique, le disque 33 tours, qui permet des morceaux beaucoup plus longs et développés. Plusieurs morceaux fondateurs du hard bop verront le jour sur l'album Walkin' : en particulier Walkin' le titre éponyme, mais aussi Airegin (anagramme de Nigéria), Oléo et Doxy composés par Rollins sur l'album Bags' Groove. La même année sort sur ce nouveau format l'album Birth of the Cool, compilation des morceaux enregistrés par le nonet pionnier du cool jazz. Devenant dans l'esprit des auditeurs et des critiques un jalon dans l'histoire du Jazz Moderne, le disque donne un sérieux coup de pouce à la carrière renaissante de Miles. À Noël, il réalise avec Thelonious Monk, Kenny Clarke, Percy Heath et Horace Silver une séance considérée comme essentielle pour le développement de son style propre.
1954 est l'année charnière de Miles Davis qui aura transformé un bon trompettiste en un jazzman de génie, passé maître dans l'art du solo, aux répertoires élargis et ayant son champ des sonorités désormais défini : un son résonnant de la trompette ouverte et un timbre assourdi, introspectif de la sourdine. Au Newport Jazz Festival de 1955, l'interprétation de Miles Davis de 'Round Midnight, un thème de Thelonious Monk, est saluée par une standing ovation doublée d'un immense succès critique : la carrière du trompettiste, sérieusement mise en péril par ses problèmes de drogue, est définitivement relancée.
Premier grand quintet
En 1955, quelques mois après la mort de Charlie Parker, Miles Davis fonde le groupe considéré depuis comme son « premier grand quintet », avec John Coltrane au saxophone ténor, Red Garland au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie. Avec ce groupe, Miles va explorer ses idées musicales du moment, basées notamment sur l'approche du pianiste Ahmad Jamal, qu'il avait commencé à exprimer au début de l'année avec l'album The Miles Davis Quartet. Le quintet deviendra également le premier symbole du talent de découvreur de Davis : l'ensemble de ses membres sont ou deviendront des leaders appréciés, le plus connu étant John Coltrane, dont la réputation deviendra l'égale de celle de Miles. Il parvient, par une étrange alchimie, à une qualité de l'ensemble supérieure à la somme de ses individualités.
Il y avait donc à présent Trane au saxophone, Philly Joe à la batterie, Red Garland au piano, Paul Chambers à la basse, et moi à la trompette. Et plus vite que je n'aurais pu l'imaginer, la musique que nous faisions ensemble est devenue incroyable. C'était si bon que ça me donnait des frissons, comme au public. Merde, c'est très vite devenu effrayant, tellement que je me pinçais pour m'assurer que j'étais bien là. Peu après que Trane et moi nous nous étions mis à jouer ensemble, le critique Whitney Balliett a écrit que Coltrane avait « un ton sec non dégauchi qui met en valeur Davis, comme une monture grossière pour une belle pierre ». Très rapidement, Trane est devenu bien plus que ça. Il s'est lui-même transformé en diamant. Je le savais, comme tous ceux qui l'entendaient. »
Engagé par Columbia Records, à l'époque la plus importante maison de disques des États-Unis, Miles Davis bénéficie d'un effort de publicité hors du commun dans le Jazz, effort dont son ancien label Prestige Records profite pour enregistrer cinq albums : The New Miles Davis Quintet, Cookin', Relaxin', Steamin' et Workin'. Miles Davis devait satisfaire ses obligations contractuelles envers Prestige.
En 1957, le groupe sort l'album 'Round About Midnight, qui remporte un grand succès et offre à Davis une image et un confort matériel nouveaux. Vêtu de costumes luxueux, le nez chaussé de mystérieuses lunettes noires et conduisant des voitures de sport italiennes, le trompettiste devient une figure particulière dans le monde du Jazz. C'est également à cette époque que survient un incident à l'origine d'une partie du mythe du musicien : alors qu'il se remet de l'ablation chirurgicale de nodules sur ses cordes vocales, Davis s'emporte contre un organisateur de concerts indélicat, endommageant définitivement sa gorge convalescente. Cette voix ravagée restera le symbole d'un homme qui refuse de se laisser marcher sur les pieds, y compris par les puissants. Refusant la vie très difficile des musiciens de Jazz, il obtient pour son groupe et lui-même une augmentation significative des cachets, ainsi qu'une norme de trois sets par soir au lieu des quatre qui sont la norme depuis toujours. Malgré le succès, l'ambiance au sein du groupe est parfois tendue, notamment entre Miles Davis et John Coltrane, Davis supportant mal la toxicomanie du saxophoniste. En avril 1957, après en être venu aux mains, le trompettiste renvoie Coltrane du groupe. Ce dernier est alors invité par Thelonius Monk à rejoindre son orchestre. Se libérant de son addiction grâce à une cure personnelle, Coltrane passe plusieurs mois dans la formation de Monk avant de retrouver Miles Davis.
À la fin des années 1950, Miles Davis continue son évolution musicale, se nourrissant de plusieurs engagements parallèles à sa carrière de leader de groupe : une participation fin 1956 au projet de la Jazz and Classical Music Society de Gunther Schuller, visant à réunir jazz et musique classique en un « troisième courant » (Third Stream) et la composition de la bande originale du film Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle en 1957. Le groupe, qui comprend Kenny Clarke et les musiciens français Barney Wilen (saxophone ténor), René Urtreger (piano) et Pierre Michelot (contrebasse) improvise la musique devant un écran projetant des scènes du film en boucle, à partir d'indications très limitées de Miles. Ces morceaux très visuels, ne comptant que très peu d'accords, resteront un jalon essentiel dans la carrière de Davis, le symbole de son nouveau style[.
En 1958, Miles Davis enregistre Milestones ; son quintet devient alors sextet avec l'apparition de Cannonball Adderley au saxophone alto. Cet album introduit les premiers éléments de musique modale, en particulier dans le morceau éponyme. Quelques jours plus tard, il participe, sous la direction de Cannonball Adderley, au superbe album Somethin' Else : c'est une de ses rares séances en tant que sideman. L'album comprend notamment une remarquable version d'Autumn Leaves. Parallèlement, il poursuit sa collaboration avec Gil Evans et crée des albums orchestraux qui connaîtront un important succès critique et commercial : Miles Ahead 1957, Porgy and Bess 1958 et Sketches of Spain 1959-1960.
En 1959, Miles Davis signe son chef-d'œuvre avec Kind of Blue, un album improvisé autour de trames qu'il a composées. On trouve des modifications de formations par rapport au sextette de Milestones. Le pianiste Bill Evans, plus apte à suivre les orientations modales du leader, remplace Red Garland et Jimmy Cobb prend le fauteuil de batteur à Philly Joe Jones. Le pianiste Wynton Kelly est invité sur Freddie Freeloader, le titre bluesy de l'album, nouvelle preuve que rien n'a été laissé au hasard pour la réalisation de cet album. Ce dernier est considéré comme le chef-d'œuvre du jazz modal et l'un des meilleurs — et des plus populaires — disques de jazz jamais enregistrés. Jimmy Cobb disait que ce disque « avait dû être composé au paradis ».
En mars 1960, Miles tourne en Europe avec Coltrane, Wynton Kelly au piano, le fidèle Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie. Ils donnent notamment un concert mémorable à l'Olympia de Paris le 21 où Coltrane est hué par une bonne partie du public irritée par ses explorations audacieuses. C'est à Baltimore, en avril, que Coltrane officie pour la dernière fois au sein du groupe de Miles Davis. Miles retourne en Europe et à l'Olympia en octobre, en compagnie du saxophoniste parkérien Sonny Stitt. Le jeu de Miles se montre plus agressif et aussi plus proche d'un hard bop orthodoxe. Le mélodieux Hank Mobley tiendra le difficile rôle de remplaçant de Coltrane à partir de 1961 alors que Wynton Kelly est le pianiste du groupe. Il participe à quelques titres de l'album Someday My Prince Will Come et aux albums live Miles Davis In Person: Friday Night and Saturday Night at the Blackhawk. C'est aussi à cette époque qu'apparaît le free jazz, genre musical que Miles, qui pour une fois n'a pas lancé le mouvement, s'ingénie à critiquer de manière particulièrement caustique et bruyante, tout en s'entourant petit à petit, de manière nettement plus discrète, de (parfois très) jeunes gens fortement influencés par ce courant musical. Si ce n'est pas le cas du saxophoniste George Coleman, il n'en va pas de même pour sa nouvelle rythmique composée par le pianiste Herbie Hancock, le contrebassiste Ron Carter et le batteur Tony Williams, âgé d'à peine 18 ans à l'époque. Ces musiciens apparaissent pour la première fois aux côtés de Miles, en 1963, sur l'album Seven Steps to Heaven.
Miles et son groupe partent de nouveau en tournée en Europe en juillet 1963, puis se produisent au Lincoln Center de New York le 12 février 1964, une prestation qui sera publiée sous forme de deux disques Four and More et My Funny Valentine. En juillet, le saxophoniste Sam Rivers, très proche du free jazz, remplace George Coleman. Il va participer avec le groupe à une tournée au Japon. Après le départ de Coltrane, Miles cherche le saxophoniste qui saura redonner l'élan nécessaire au renouvellement de son œuvre : se succèdent de façons éphémères Jimmy Heath, Hank Mobley, Rocky Boyd, Frank Strozier et Sonny Rollins[21].
C'est en septembre 1964 que le saxophoniste, compositeur et arrangeur Wayne Shorter, qui avait déjà officié au sein des Jazz Messengers d'Art Blakey, rejoint le groupe. Miles trouve enfin le saxophoniste qui va mener sa musique vers de nouveaux sommets. Il va plus tard déclarer, dans Miles : L'autobiographie : « Avoir Wayne me comblait parce que je savais qu'avec lui, on allait faire de la grande musique. C'est ce qui est arrivé, très vite. » Shorter prend ainsi rapidement le rôle principal dans l'élaboration de la musique du quintet. Herbie Hancock explique cette transformation : « Dans le quintet, à partir du moment où Wayne Shorter est arrivé, on s'est consacré à un travail de couleurs, aux accords substitués, aux phrasés et surtout à l'utilisation de l'espace, c'est-à-dire au placement des notes que l'on jouait par rapport à ce que jouaient les autres musiciens du quintet.
Miles éprouve quelques difficultés pour s'adapter à la vivacité de ces jeunes musiciens mais cette prise de risque n'est pas la première dans la carrière de Miles et montre sa capacité à réinventer sans cesse son style. Il raconte son expérience avec ce groupe :
« Si j'étais l'inspiration, représentais la sagesse et assurais l'homogénéité du groupe, Tony en était le feu, l'étincelle créatrice ; Wayne était l'homme des idées, le concepteur intellectuel ; Ron et Herbie en étaient les ancrages. Je n'étais que le leader qui avait rassemblé tout le monde. Ils étaient jeunes mais, même si je leur apprenais certaines choses, ils m'en apprenaient d'autres, sur la new thing, sur le free […] J'apprenais quelque chose chaque soir avec cette formation, d'abord parce que Tony Williams était un batteur progressiste. Le seul membre d'un de mes orchestres qui m'ait dit un jour : « Bon Dieu, Miles, pourquoi ne travailles-tu pas [ton instrument] ? » Il faut dire qu'en essayant de tenir la dragée haute à ce jeunot, je ratais des notes. Il m'a donc poussé à retravailler mon instrument, puisque je m'étais dispensé de cette discipline sans même m'en rendre compte […] Chaque nuit, Herbie, Tony et Ron rentraient dans leur chambre et discutaient jusqu'au petit matin de ce qu'ils venaient de jouer. Le lendemain, ils remontaient sur scène et jouaient différemment. Et moi, soir après soir, il fallait que je m'adapte…
Peu après sa création, le quintet part en tournée en Europe. Il enregistre son premier disque studio ESP en janvier 1965. En décembre, le passage au club de Chicago le « Plugged Nickel » est enregistré. Alors que les albums studio sont constitués uniquement de compositions originales, le groupe reprend en concert les standards du répertoire de Miles Davis (All of You, My Funny Valentine, etc.). Lors de ces concerts, le groupe est à son meilleur ; Shorter y montre toutes ses qualités de soliste et la section rythmique brille par sa cohésion et son inventivité prodigieuses.
En octobre 1966, le groupe enregistre ce que beaucoup considèrent comme son chef-d'œuvre : l'album Miles Smiles. Suivent en 1967, les albums Sorcerer et Nefertiti et en 1968, Miles In The Sky et Filles de Kilimanjaro.
Révolution électrique
Alors que le rock et le funk se développent, Miles Davis va initier l'essor d'un jazz de style nouveau, fusionnant le son électrique de la fin des années 1960 avec le jazz. Ce nouveau style, déjà ébauché sur les deux derniers albums du quintet, s'affirme de manière fracassante avec les albums In a Silent Way 1969 et surtout Bitches Brew 1970. Miles s'entoure de jeunes musiciens qui seront bientôt les chefs de file du jazz fusion tels le guitariste britannique John McLaughlin et le claviériste d'origine autrichienne Joe Zawinul. La mise en avant des instruments électriques s'accompagne d'une approche encore plus ouverte de l'improvisation. Donnant aux musiciens de simples esquisses de thèmes, il leur offre une plus grande liberté dans l'improvisation. Ces deux albums voient aussi le producteur Teo Macero prendre une place centrale dans le processus de création. Les morceaux ne sont plus enregistrés d'un seul tenant, l'album devient le résultat d'un collage d'extraits des prises de studio. Avec ces deux albums, Miles Davis provoque une vraie révolution dans le monde du jazz et rencontre un vrai succès populaire. Bitches Brew se vend à plus de 500 000 exemplaires.
À la suite des séances de Bitches Brew, Miles ajoute à son groupe des sitars et des tablas. Les titres issus de ces séances : Great Expectations, Orange Lady, Lonely Fire, ne seront publiés qu'en 1974 dans l'album Big Fun. À partir de 1970, la musique de Miles est de plus en plus marquée par le funk. Pour Miles Davis, le funk, porté par James Brown et Sly & The Family Stone, est la nouvelle musique du peuple noir au contraire du Blues qu'il déclare « vendu aux Blancs ». Le virage électrique est motivé à la fois par des raisons artistiques et commerciales. Pour l'enregistrement de A Tribute to Jack Johnson, Miles pense au batteur Buddy Miles, présent sur l'album Band of Gypsys de Jimi Hendrix[, mais il ne viendra pas à la séance ; il est remplacé par Billy Cobham, qui forme avec Michael Henderson la section rythmique du groupe dont le son est dominé par la guitare de John McLaughlin. Malgré une promotion désastreuse de la Columbia Records, le disque, sorti le 24 février 1971, est devenu un classique du jazz-rock. John Scofield dira par la suite de cet album qu'il « avait sans aucun doute un feeling rock, même si c'était aussi du jazz du plus haut niveau. ».
Le 29 août 1970, il participe à l'historique Festival de l'île de Wight. Le groupe, un des meilleurs de toute sa période électrique, est constitué de Gary Bartz aux saxophones soprano et alto, Chick Corea et Keith Jarrett aux claviers, Dave Holland à la basse, Jack DeJohnette à la batterie et Airto Moreira aux percussions. À l'invitation de ce dernier, qui connait bien l'île pour y avoir séjourné plusieurs fois, Miles se rend sur l'île de La Réunion, et y joue un concert intimiste improvisé le 21 septembre 1970, dans le village de Manapany. Selon Alain Gerber, c'est de ce séjour sur la petite île française qu'aurait été inspiré sa composition Black Satin, sur le disque On the corner, paru deux années plus tard. Il joue en outre cette même année de nombreuses fois au Fillmore East de New York et au Fillmore West de San Francisco. Du 16 au 19 décembre, Miles enregistre son groupe dans un club de Washington, le Cellar Door, avec Keith Jarrett, Jack DeJohnette, Airto Moreira, Gary Bartz et Michael Henderson. Ce dernier, ancien musicien de studio pour Motown et membre du groupe de Stevie Wonder, n'est pas un jazzman de formation. Son style funky, basé sur des lignes de basse répétitives est déterminant dans l'évolution de la musique de Miles, avec lequel il restera jusqu'en 1975. Ces enregistrements constitueront le cœur de l'album Live Evil, publié le 17 novembre 1971 et sur lequel est présent McLaughlin qui avait rejoint le groupe, le dernier soir, à la demande de Miles. En octobre-novembre 1971, il effectue une tournée en Europe.
« C'est avec On the Corner et Big Fun que j'ai vraiment essayé d'intéresser les jeunes Noirs à ma musique. Ce sont eux qui achètent les disques et viennent aux concerts, et je songeais à me préparer un public pour l'avenir. Beaucoup de jeunes Blancs étaient déjà venus dans mes concerts après Bitches Brew. Je pensais qu'il serait bien de rassembler tous ces jeunes dans l'écoute de ma musique et de l'appréciation du groove. »
En 1972, paraît l'ambitieux On the Corner qui tente, selon la formule de Frédéric Goaty (dans Jazz Magazine), « de faire groover ensemble Sly Stone et Karlheinz Stockhausen » ! On the Corner et Big Fun eurent du mal à trouver leur public à l'époque. Rejetés par la plupart des critiques de jazz, ils ne parviennent pas non plus à séduire la jeunesse noire. Ils sont aujourd'hui considérés comme d'authentiques chefs-d'œuvre du jazz-funk. Durant cette période, Miles utilise la pédale wah-wah pour distordre le son de sa trompette. Son jeu est plus axé sur l'aspect rythmique. La période dite « électrique » de Miles fait exploser les codes classiques du jazz, à savoir « exposition du thème - soli - réexposition du thème ». Toutefois, il conserve une démarche jazz et ce à deux niveaux : la recherche constante d'une nouvelle approche de la musique (déstructuration - restructuration) et la part belle faite à l'improvisation.
En 1973, son groupe se stabilise autour de la formation suivante : Dave Liebman au saxophone et à la flûte, Reggie Lucas et Pete Cosey aux guitares, Michael Henderson à la basse, Al Foster à la batterie et James Mtume Foreman aux percussions. Reggie Lucas se charge des parties rythmiques alors que Pete Cosey, dont le jeu est très influencé par celui de Jimi Hendrix, joue la majorité des soli (il joue aussi des percussions). Le septet se produit au Japon en juin, puis le 8 juillet 1973, il joue pour la première fois sur la scène du Montreux Jazz Festival. Miles Davis se produit ensuite en France (Paris et Bordeaux), en Suède, en Allemagne et en Autriche. Les concerts des 20 juin (Tokyo), 8 juillet (Montreux), 27 octobre (Stockholm) et 3 novembre (Vienne) seront filmés professionnellement : ils constituent les derniers témoignages vidéo du groupe de Miles avant sa retraite.
Le 30 mars 1974, Miles joue sur la scène du Carnegie Hall de New York. Le surprenant guitariste hendrixien Dominique Gaumont et le saxophoniste Azar Lawrence sont invités lors de ce concert : l'album s'appellera Dark Magus.
« Ce qu'il fait, et souvent dans les grands concerts comme celui-là, c'est de changer la donne, en faisant quelque chose de totalement étrange. Totalement inattendu. Voici ce que j'entends par là : nous sommes un groupe en tournée depuis un an… Et puis, soudainement, en public, New York City, Carnegie Hall, l'animal pousse deux types qui ne se sont même jamais vus. Vous vous dites : « Est-il fou ou bien… Il est fou, ou alors, extrêmement subtil.
En 1974 paraissent les doubles albums studio Big Fun et Get Up With It regroupant différentes sessions du début des années 1970.
Le 1er février 1975, Miles Davis donne deux concerts à Tōkyō au Japon qui paraîtront sous la forme de deux doubles albums : Agharta (concert de l'après-midi) et Pangaea (concert de la soirée). Sonny Fortune y remplace Dave Liebman. Ces deux disques sont la parfaite conclusion de cette période créatrice très riche. En 1975, Miles Davis quitte la scène pour des motifs de santé.
Retour
Miles Davis refait surface en 1981 avec l'album The Man with the Horn. Au cours des années 1980, il enregistre des albums de jazz fusion très funk avec des groupes qui, selon sa bonne habitude, sont formés de jeunes musiciens inconnus qui feront carrière : Marcus Miller, John Scofield, Darryl Jones, Mike Stern, Mino Cinelu, Kenny Garrett etc. À partir de ce moment, Miles Davis sera aussi un « initiateur », un « passeur » qui permettra à de nombreux amateurs de musique plus « rock » de découvrir la beauté d'un silence, d'une respiration au sein d'une harmonie gorgée d'émotions et d'énergie. Grâce à lui, le jazz, terme qu'il trouvait de plus en plus restrictif, pouvait toucher un public plus large et continuer ainsi à se renouveler.
Le double album live We Want Miles, publié en 1982, présente le nouveau groupe de scène de Miles Davis. Le premier titre, Jean-Pierre deviendra un véritable classique au fil des ans. Cet album reçoit un grand succès, couronné par un Grammy Award en 1983. L'album Star People, publié l'année suivante, est un album improvisé en studio et dédié au funk et au blues. Miles Davis enregistre ensuite des albums au son plus moderne comme Decoy, en 1984, et You're Under Arrest l'année suivante, sur lequel il s'attaque au répertoire de Michael Jackson (Human Nature) et Cyndi Lauper (Time After Time). Assisté par Marcus Miller, bassiste poly-instrumentiste, et de Bill Evans, il introduit dans ses orchestrations des synthétiseurs numériques alors en vogue, le séquenceur et l'échantillonnage.
En 1986, Miles Davis quitte Colombia Records pour la Warner et publie Tutu, un album qui rencontre un succès public très important. Aucune composition du trompettiste ne figure pourtant sur le disque : n'ayant pas obtenu les droits de ses propres compositions avec ce nouveau contrat, Miles Davis refuse d'enregistrer son propre matériel et a recours notamment aux services de Marcus Miller, dont le style imprègne Tutu, mais aussi l'album suivant, Amandla, publié en 1989.
À la fin des années 1980, Davis collabore également avec Prince, mais à ce jour pratiquement aucun enregistrement studio n'a émergé de ces sessions. Lors de visites guidées des studios Paisley Park au début des années 2000, il était indiqué aux visiteurs que le coffre-fort des studios renferme « les légendaires sessions enregistrées avec Miles Davis ». Il existe toutefois un disque et une vidéo non autorisés qui témoignent du concert que Prince organisa le 31 décembre 1987 à Paisley Park où Miles fit une brève apparition. On peut regretter qu'à cette occasion Prince ne laissa pas plus de place à Miles pour s'exprimer pleinement.
Dans son dernier album, posthume, Doo-bop, sorti en 1992, Miles Davis collabore avec des musiciens de hip-hop qui apportent la section rythmique et des chanteurs de rap.
Le génie de Miles Davis peut se résumer en trois points : un son original dans un environnement très structuré, une conception évolutive de la musique dans des directions déterminées et une capacité à s'entourer à cette fin de musiciens dont il savait tirer le meilleur.
Le 28 septembre 1991, Miles Davis meurt à l'âge de 65 ans à l'hôpital St John de Santa Monica près de Los Angeles où il était entré pour un bilan médical complet à la suite de toutes sortes d'ennuis de santé. Dans un entrefilet du New Musical Express, on peut lire : « Miles Davis… est en train de mener un combat perdu contre le sida dans un hôpital californien. » L'information concernant la nature de son mal n'a cependant jamais été confirmée. Il est enterré au cimetière de Woodlawn de New York.
DISCOGRAPHIE.
10 ALBUMS POUR COMPREMDRE MILES DAVIS:
La sortie du film Miles Ahead de Don Cheadle est l'occasion rêvée de revenir sur la riche carrière du plus grand trompettiste de l'histoire du jazz, l'inimitable Miles Davis. Avec son casting alléchant et les promesses liées à une longue attente, le film revient sur la période difficile que Miles traverse à la fin des années 1970 quand, trahi par sa santé déclinante, il connait également une baisse de régime artistique et peine à retrouver l'inspiration et son jeu si particulier. On y découvre alors un Miles Davis aux tendances paranoïaques et quelque peu flippant dont le récit des pérégrinations est l'occasion de nombreux flashbacks sur sa carrière, ses débuts timides et sur son évolution à travers plusieurs décennies dédiées au jazz.
Alors plutôt que de se focaliser sur le personnage et de succomber à l'exercice de la biographie (ce que le film fera sûrement très bien), on a choisi de se concentrer sur sa musique et de dresser un bilan en 10 albums incontournables pour comprendre en quoi Miles Davis a révolutionné le jazz et bien au-delà, la musique moderne.
L'humble objectif que nous nous sommes fixés est simplement de vous donner envie de replonger dans la musique de Miles Davis, de vous faire découvrir les différents courants qu'il a contribué à populariser voire même à créer et les musiciens qui l'auront accompagnés tout au long de son histoire. Et cerise sur la gâteau: on vous a concocté une playlist de 20 titres, pour l'avant, le pendant et l'après lecture de ce bien joli dossier.
Birth of the Cool
(Capitol, 1956)
Dans une carrière marquée par les virages et une éternelle remise en question des fondements de sa manière d'aborder le jazz, le premier bouleversement dans la trajectoire de Miles Davis intervient en 1949. Le trompettiste est alors un jeune sideman déjà reconnu dans le monde du Bebop mais on voit déjà naître chez lui un besoin de sortir des carcans qu'impose cet exercice. Il est en outre très influencé par celui qu'il a souvent accompagné sur scène, Charlie Parker, autre grand réformateur du genre. Le nom de Gil Evans est également indissociable de cette première révolution qui touche en premier lieu Miles Davis mais secoue également tout le petit monde du jazz. L'arrangeur envisage en effet à la toute fin des années 1940 un nouvel ensemble, le nonette, sorte d'hybride entre le big band et les formations plus réduites sévissant dans le Bebop. Ce qui deviendra le Cool Jazz est né avec sa volonté d'adoucir l'exaltant et effervescent Bebop au profit d'une musique influencée par le Classique, plus arrangée donc mais surtout beaucoup plus feutrée et plus lente, en un mot à prendre au premier degré, plus "cool". Ce nouveau courant a trouvé son nom, il lui reste à trouver un visage, ce sera celui de Miles Davis et de son band. Né de l'imagination de Gil Evans, le Miles Davis Nonet compte dans ses rangs de sacrées pointures dont l'immense batteur Max Roach, les saxophonistes Lee Konitz et Gerry Mulligan ainsi que le pianiste John Lewis célèbre pour son appartenance au Modern Jazz Quartet. De sessions studio en performances live, l'idée fait son chemin, un nouveau son post-Bop émerge et sera finalement gravé en 1956 sur le premier disque majeur de Miles, le bien nommé Birth of the Cool. Ne nous y trompons pas, il s'agit bien là d'une compilation d'enregistrements datant de 1949 et 1950. À sa sortie, l'album aura une immense influence et contribuera donc à la popularité et au succès du courant Cool Jazz et de son frère jumeau le Jazz West Coast né en Californie et incarné à la même époque par des musiciens à majorité blancs dont Art Pepper, Chet Baker ou Stan Getz.
Tout au long des onze titres que compte ce Birth of the Cool, on navigue vraiment dans une ambiance très relax, détendue et apaisée, flottant dans une sorte de bulle où le temps se serait arrêté au milieu des années 1950 dans ce qu'elles représentent de plus idyllique. "Moon Dreams", "Rocker" ou "Rouge" sont les parfaites illustrations de cette décontraction qui envahit l'auditeur tandis que "Move", "Jeru" et le bonhomme "Godchild" apportent une touche un peu plus énergique à l'ensemble. La batterie est plus souvent caressée que frappée, les touches du piano tout juste effleurées, la part belle est donnée aux instruments à vent plus aériens que jamais, trombone, saxophones et évidemment la trompette de Miles qui donne le "la". Le disque idéal pour un déjeuner sur l'herbe à l'ombre d'un grand chêne avant de hisser les voiles et de digérer sur les eaux douces et tranquilles d'un petit lac de campagne. Tout y est cool, vraiment. Peut-être un peu trop d'ailleurs au goût de celui qui contribuera pourtant à sa naissance car Miles délaissera très rapidement l'exercice ouaté du Cool Jazz au profit du plus rythmé Hard-Bop et du Jazz Modal.
Ascenseur pour l'échafaud
(Fontana, 1958)
Influencé par la musique modale et la Third Stream, courant voué à concilier jazz et musique classique en laissant une grande part à l'improvisation, Miles Davis enregistre en 1957 l'extraordinaire bande originale d'Ascenseur pour l'Échafaud, film culte de Louis Malle. C'est en visionnant en boucle des passages du film que Miles improvise une musique au gré de ce que lui inspire l'intrigue, les images qui défilent et l'errance du personnage central remarquablement interprété par Jeanne Moreau. Il dirige sobrement pour l'occasion un quintette complété de Kenny Clarke à la batterie et des musiciens français René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse et Barney Wilen au saxophone ténor. Visionner le film, c'est réaliser qu'on est face à la quintessence du film noir. C'est peu dire que la musique y est pour beaucoup et qu'elle se marie magistralement au noir et blanc du "Paris by night" filmé par Malle.
Chaque moment clé du film est transcendé par la partition de Miles Davis. Dès les premières notes du générique, le ton est donné, l'ambiance sera froide, mystérieuse et épurée. Miles réussit à concilier une parfaite maîtrise de son instrument avec une fragilité et une tension extrême qui placent chaque note sur le fil du rasoir prêt à rompre à chaque instant. Ses musiciens sont au diapason et apportent chacun leur pierre à un édifice qui tourne rapidement au chef-d'œuvre. Dans "Assassinat de Carala", la tension atteint son paroxysme, portée par le fouet des cymbales, les inquiétantes vibrations de contrebasse, les notes saccadées du piano et la trompette délibérément vacillante de Miles. Une même tension qu'on retrouve sur une "Visite du Vigile" empreinte de suspense et sur Julien dans l'Ascenseur dont on ressent jusque dans l'épiderme le frisson claustrophobe. La nuit parisienne que traverse l'héroïne avec ses trottoirs, ses lumières et son ambiance typique est ensuite magnifiée par les titres Florence sur les Champs Élysées ou Au Bar du petit Bac. Le quintette se laisse même aller à une course ultra rythmée Sur l'Autoroute où Miles éclabousse d'aisance technique.
La France et l'Europe offraient à cette époque un véritable refuge pour bon nombre de musiciens noirs américains souffrant chez eux des préjugés d'une société encore très marquée par un racisme latent. Miles Davis aimait la France (voire aussi son idylle avec Juliette Gréco) et y a laissé une des plus belles preuves de son immense talent d'interprétation et de composition quand bien même Ascenseur pour l'Échafaud fut improvisé. Le disque sorti en 1958 remporta un vrai succès critique couronné par le prix de l'Académie Charles Cros. Il fut un grand succès public également, ce qui ouvrira la voie à de nombreuses autres collaborations entre grands noms du jazz et réalisateurs audacieux. Citons par exemple les remarquables Des Femmes disparaissent et Les Liaisons Dangereuses (où l'on retrouve Barney Wilen) du batteur Art Blakey et ses Jazz Messengers.
Workin' with the Miles Davis Quintet
(Prestige, 1959)
Au milieu des années 1950 apparaît un nouveau style, le Hard-Bop. Avec le volonté de clouer le (blanc) bec au monotone Cool Jazz et sous l'impulsion des grands batteurs de l'époque comme Art Blakey, le jazz s'énerve, se fait plus immédiat. Les grands ensembles laissent place aux quintettes et la rythmique sert désormais la musique autant que les "souffleurs". Cette nouvelle forme de jazz instinctive et sa nouvelle esthétique fièrement Black feront notamment le succès du label Blue Note.
Miles Davis qui est alors en pleine boulimie créative s'engouffre dans ce nouveau mouvement et monte lui aussi son quintette. Red Garland au piano, Paul Chambers à la basse et "Philly" Joe Jones à la batterie sont alors chargés d'accompagner Miles mais aussi... John Coltrane et son saxophone. C'est en 1956 qu'ils entrent en studio pour le label Prestige, autre grand pourvoyeur de disques estampillés Hard-Bop. De ces quelques mois de sessions inoubliables naîtront quatre albums dont les sorties s'étaleront entre 1957 et 1961, Cookin' With the Miles Davis Quintet suivi de Relaxin', Workin' et Steamin'. Si Cookin' aurait également très bien pu faire l'objet de cette chronique, c'est Workin' qui mérite le plus d'attention au sein de cette quadrilogie. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter l'inaugural It Never Entered my Mind, son ouverture au piano fascinante de beauté à laquelle vient s'ajouter le susurrement aérien de la trompette de Miles ou bien Four qui symbolise parfaitement le style Hard-Bop avec sa batterie ultra dynamique.
Mais ce qui rend Workin' indispensable, c'est aussi la présence de John Coltrane qui doit à l'époque encore se faire un nom mais qui éclabousse déjà de tout son talent des compositions comme In your Sweet Way ou Trane's Blues. Il faut bien prendre la mesure de ce qui se joue dans nos oreilles, c'est ici la rencontre de deux monstres sacrés du jazz, Davis & Coltrane, ensemble. La paire ne survivra d'ailleurs pas au delà de 1960 au grand dam de Miles Davis qui voit son saxophoniste quitter ce qui restera son quintette historique. Reste donc cet enthousiasmant témoignage.
Kind of Blue
(Columbia, 1959)
À la fin des des années 1950, le jazz est à un carrefour de son histoire, le Bebop est délaissé par la nouvelle vague émergente de musiciens et le Cool Jazz et le Hard-Bop ont déjà été largement exploités. C'est alors qu'Ornette Coleman fait son apparition dans le paysage et frappe un grand coup avec The Shape of Jazz to Come où il définit clairement les bases du Free Jazz. Néanmoins, Miles Davis n'accordera que peu de crédit à cette nouvelle scène Free Jazz, ne s'y essayera jamais véritablement (tout au plus quelques fragments sur On The Corner -voir plus bas-) et préférera creuser le sillon de la musique modale dont il s'est déjà inspirée pour produire Ascenseur pour l'Échafaud ou Milestone quelques mois auparavant. Ces deux albums l'ont convaincu qu'il était temps pour lui de composer un opus entièrement basé sur ces principes de modalité avec de nouvelles gammes d'accords uniquement consacrés à l'improvisation.
Il tourne alors depuis plusieurs mois avec un sextet composé de John Coltrane (encore lui) au saxophone ténor, Cannonball Adderley au saxophone alto, Bill Evans au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie. Il convoque donc tout ce beau monde (avec le pianiste Wynton Kelly appelé à remplacer un Bill Evans émancipé) en mars 1959 sous la direction du producteur Teo Macero pour l'enregistrement de ce qui deviendra Kind of Blue. Avant d'entrer en studio, Miles ne donne que très peu d'indications à ses musiciens, tout au plus donne-t-il une vague direction dans laquelle il veut mener ses morceaux et quelques accords sur lesquels ils devront alors eux-mêmes improviser. En deux séances, l'affaire est réglée. Cela paraît invraisemblable et désarmant de facilité quand on connaît la suite car cet album deviendra la plus grosse vente de l'histoire du jazz et est aujourd'hui considéré à juste titre comme une pièce fondatrice non seulement du mythe Miles Davis mais de l'histoire même de la musique. Son influence sur le jazz et toutes les musiques modernes du XXème siècle, rock en tête, est immense et son aura brille encore de nos jours au sommet des classements des meilleurs albums de tous les temps.
Qu'on connaisse et apprécie ou pas le jazz, on a tous déjà entendu ou même fredonné la suave ligne de contrebasse de l'inaugural et remarquable So What, à l'image du Watermelon Man d'Herbie Hancock ou de Take Five de Dave Brubeck. Ce morceau, comme les quatre suivants qui composent l'album, impose définitivement le style Miles et sa personnalité. Il est un leader charismatique sûr de lui et de ses compositions. Il sait s'entourer également, comme le prouve entre autres la présence à ses côtés de John Coltrane. Enfin, son jeu aussi se stabilise clairement pour devenir véritablement caractéristique et reconnaissable aux premières notes, un mélange subtil d'agressivité quasi électrique et de fragilité toujours latente. Kind of Blue est ainsi devenu avec le temps une sorte de référence ultime et le meilleur moyen pour le profane curieux de découvrir le jazz d'y entrer par la grande porte.
Sketches of Spain
(Columbia, 1960)
En 1960, Miles Davis abandonne l'improvisation le temps d'un album et sort le tragique Sketches of Spain. Tragique car il plane sur ce disque une déchirante mélancolie magnifiée par les sublimes arrangements et la parfaite direction d'orchestre de Gil Evans auquel on doit aussi la composition de trois des cinq morceaux. À l'image de la pochette où l'on devine Miles Davis tentant de dompter un taureau d'arène armé de sa seule trompette, le disque est un véritable tour de force dans sa tentative de marier les grands orchestres de musique classique au jazz en pleine évolution. Car Gil Evans invite en effet à sa table un imposant ensemble de cuivres allant du cor d'harmonie au hautbois en passant par le basson, le tuba ou le trombone. Un orchestre qui tourne parfois presque à la fanfare comme en témoigne le final de Saeta. Une harpe distille en outre quelques notes pour introduire le brillant Solea dont on retiendra aussi les percussions incisives voire militaires. On croirait vraiment entendre une symphonie.
Mais comme l'indique son titre, Sketches of Spain est surtout hanté par l'Espagne, ses instruments traditionnels et ses rythmes typiques et se réfère même plus expressément encore à la musique espagnole notamment sur le premier morceau adapté du second mouvement du Concierto de Aranjuez de Joaquin Rodrigo ainsi que sur Will O' the Wisp composée par Manuel de Falla. Mais alors, Sketches of Spain est-il bien un disque de jazz ? À l'évidence oui car le personnage central de cette corrida est bien le matador Davis qui, tel un Don Diego de la Vega, signe son nom de la pointe de sa trompette. Au milieu de ce déluge de cuivres et de castagnettes, c'est bien son souffle déchirant qui transperce le mur que lui impose l'orchestration de Gil Evans. C'est lui qui donne au disque son caractère mélancolique grâce à son jeu si fragile qui tranche tant avec le reste du décorum. Ajoutons qu'on retrouve au casting les fidèles Paul Chambers et Jimmy Cobb à la rythmique ainsi qu'Elvin Jones crédité aux percussions.
Sketches of Spain est donc une vraie curiosité dans la discographie de Miles Davis et un ovni dans le catalogue jazz de l'époque, ce qui ne le rend que plus indispensable.
In a Silent Way
(Columbia, 1969)
Les années 1960 ne commencent malheureusement pas pour Miles Davis comme s'étaient achevées les 50's. Le Free Jazz et ses "stars" Ornette Coleman, Sun Ra ou Archie Shepp déchaîne les passions et attire notamment à lui John Coltrane qui quitte le quintette de Miles dès 1960. Il aura par la suite beaucoup de mal à lui trouver un digne successeur. Durant la première moitié de la décennie, Miles tâtonne donc, s'entête dans le Jazz Modal et le Hard-Bop, voit de nombreux musiciens aux talents variables se succéder dans sa formation et publie quelques enregistrements live le plus souvent anecdotiques et autres albums studio décevants. Se dessine malgré tout une nouvelle ossature pour ce qui constitue son deuxième quintette d'où émergent la jeunesse et le talent d'Herbie Hancock, de Wayne Shorter (enfin un saxophoniste à la hauteur de Coltrane !), de Tony Williams et de Ron Carter. L'osmose entre ces cinq-là se devine d'ailleurs sur E.S.P sorti en 1965 ou sur Miles in Berlin un an plus tôt. Mais la révolution se joue ailleurs, elle porte les noms de Jimi Hendrix ou Sly Stone et elle sera psychédélique, groove et surtout électrique. Sa révolution à lui sera sûrement aussi influencée par sa nouvelle compagne Betty (future) Davis qu'il rencontre en 1967 et qui l'initiera à toutes ces nouvelles musiques sautillantes et amplifiées et sera en outre à l'initiative de son radical changement de look. Aidé du précieux producteur Teo Macero et avec l'appui d'une majeure partie de son quintette (Hancock, Williams et Shorter), Davis s'adjoint les services du guitariste John McLaughlin, de l'organiste Joe Zawinul et du pianiste Chick Corea, électrise le tout et accouche en février 1969 de l'hyper novateur In a Silent Way qui ouvre la voie au Jazz Fusion ou Jazz Rock selon les terminologies. Il apporte ainsi une vraie alternative au tumulte du Free Jazz et à la musique post-Bop vieillissante.
L'album tient en deux faces comprenant chacune un mouvement. Shhh/Peacefull en face A et In a Silent Way/It's about that Time en Face B. Zawinul et Davis se partageant la composition. Les dix-huit minutes de la première face sont hantées par des cymbales discrètes et syncopées sur lesquelles viennent se poser dans un ensemble très cohérent les accords léchés de la guitare électrique de McLaughlin et du clavier de Zawinul. Voilà pour la rythmique. La douceur de la trompette de Miles et du saxo de Shorter viennent alors à tour de rôle tempérer cette électricité pour le plus grand plaisir des oreilles. Les vingt minutes de la seconde face s'ouvre sur une longue introduction qui servira également de clôture au morceau (In a Silent Way). On y entend d'abord principalement McLaughlin puis doucement le reste de la troupe sort de l'ombre jusqu'à la rupture où le morceau change complètement de ton pour laisser place à une superbe composition de Miles It's about that Time dont on reconnaît facilement la paternité.
Au delà même d'une musicalité et d'une électricité jusque-là rares dans le jazz, cet album symbolise clairement le rôle que Miles s'attribuera dès lors en tant que leader dont l'aura plane au dessus de chaque minute mais qui sait aussi se faire discret en laissant s'exprimer chaque instrument. Bref du grand art pour une entrée remarquée dans l'électricité de la fusion. Et ce n'est que le début...
Bitches Brew
(Columbia, 1970)
Sorti en 1970, Bitches Brew représente une parfaite image de la carrière de Miles Davis. Pour l'enregistrement d'abord, le trompettiste reste fidèle aux principes d'improvisation qu'il s'est imposés depuis maintenant une bonne dizaine d'années. Sur le fond, il invente clairement un nouveau son où se rencontrent jazz, rock et funk, héritier des différents courants qu'il a traversés depuis ses débuts et qui préfigurera la fin de sa carrière. Sur la forme enfin, il s'entoure ici de l'"ancien" Wayne Shorter, réminiscence de son second quintette historique, de l'ossature d'In a Silent Way (Zawinul, McLaughlin, Holland et Corea) et s'appuie sur quelques petits nouveaux comme le batteur Jack DeJohnette ou le futur Headhunters, le clarinettiste Bennie Maupin.
À sa sortie, le révolutionnaire Bitches Brew interroge et pose la même question que Sketches of Spain: Est-ce encore un disque de jazz ? Non, répondent les frileux inconditionnels de traditions. Et pourtant, il s'agit non seulement clairement de jazz mais en plus, Bitches Brew et Miles portent le style encore plus loin, lui offrent un nouvel écrin et prouvent qu'à l'image du rock, la musique pour trouver son salut aspire toujours à évoluer. Miles est alors parfaitement en phase avec les mutations qui secouent la musique : Woodstock est encore dans toutes les têtes, Hendrix et le psychédélisme ouvrent de nouveaux horizons, le Rythm 'n' blues et la Soul enfantent le Funk, le rock devient progressif et avec lui s'allongent les morceaux, les musiques du monde entier s'entrechoquent désormais au milieu de cette extraordinaire effervescence créative. Miles va naturellement s'inspirer de tout ça pour pondre un énième chef-d'œuvre.
C'est avec Pharaoh's Dance que s'ouvre l'album. Sur cette composition de Zawinul, l'ensemble des musiciens joue à la perfection sa partition dans une sorte de jazz libre (pour ne pas dire Free...), bouillonnant, teinté de guitares "Hendrixiennes" et relevé de percussions afro-caribéennes. Suit l'éponyme Bitches Brew, morceau sans doute le moins exubérant du disque, sorte d'échauffement avant la déferlante groove à venir. Occupant une grande partie de la face C, Spanish Key fait monter la sauce dès ses premières notes funky et invite même le rock à sa table quand se fait entendre en son sein la guitare de McLaughlin qui rappelle très clairement celle d'un autre phénomène de l'époque, Carlos Santana. Les 14 minutes de Miles Runs the Voodoo Down offrent ensuite une bouffée de latin-jazz groovy de haute volée. L'album se termine enfin sur une douce composition de Davis et Shorter dont on sent à chaque seconde que peut resurgir un dernier déferlement de sueur.
Miles perdra avec Bitches Brew une petite partie de ses fans de la première heure mais réussira ce que personne ou presque n'avait fait avant lui, réconcilier amateurs de jazz et de rock. L'album sera un immense succès critique et commercial.
On the Corner
(Columbia, 1972)
C'est peut être parce qu'ils étaient trop nombreux que les notes de la pochette ne font nulle part mention des musiciens qu'ont employés Miles Davis et l'omniprésent Teo Macero pour réaliser On the Corner. Ou peut-être simplement pour ne pas charger un visuel déjà fort encombré de fantastiques illustrations de Corky McCoy et de leurs clins d'œil plus ou moins subliminaux. Toujours est-il qu'en cherchant bien, au milieu des musiciens devenus habituels (Hancock, Corea, DeJohnette, Maupin, McLaughlin...), on découvre quelques nouveaux noms dont ceux de Carlos Garnett (saxophoniste injustement méconnu ayant surtout œuvré dans le Free Jazz et le Spiritual Jazz) ou Lonnie Liston Smith (organiste assimilé Jazz-Funk). Mais c'est surtout la liste des instruments qui interpelle : tablâ, bongo, synthétiseur, basse électrique et même sitar notamment sur Vote for Miles et Black Satin. On y entend des mains qui battent la mesure, des grelots, on distingue presque des sifflements. Mais alors, quelle est donc cet étrange mélange des genres, cette cacophonie entretenue par tant de musiciens aux curriculums si différents ? Miles Davis disait à l'époque (nous sommes en 1972) vouloir recentrer sa musique et ses fans sur le jazz alors qu'il avait lui-même largement contribué à populariser le rock et le funk au sein de son auditoire Black. Pour ce faire, il réalise donc un disque totalement schizophrène ou du moins multicéphale.
On the Corner est d'abord multiethnique au sens où on y entend beaucoup de percussions et des rythmes tribaux avec en point d'orgue le dernier mouvement Mr. Freedom X, véritable voyage à travers les musiques du monde. L'album garde aussi cette touche rock et groove "à la Bitches Brew" avec ses guitare, piano et basse électriques et ses quelques notes de psychédélisme. On note également une nouveauté, c'est le côté répétitif de sa musique, on n'irait pas jusqu'à parler de Musique Concrète mais presque. Toutefois, c'est encore et toujours de jazz dont il s'agit même s'il est de plus en plus difficile de le justifier. Et Miles Davis dans tout ça ? Eh bien s'il se fait toujours plus discret et poussera même le vice jusqu'à jouer dos au public, sa trompette "wah wah" reste un rouage essentiel de l'œuvre. Il se voyait d'ailleurs de plus en plus comme un chef d'orchestre. Sans baguette donc, mais avec une trompette.
On the Corner est finalement un objet musical non identifié, du Free Jazz à la sauce Miles Davis et surtout une nouvelle fois un chef-d'œuvre d'avant-garde.
Dark Magus
(Columbia, 1977)
Toujours plus loin, toujours plus fou, Miles Davis enregistre le 30 mars 1974 au Carnegie Hall de New York un concert qui sortira dans les bacs en 1977 sous le titre Dark Magus. On imagine la tête d'un fan de Miles qui aurait sombré dans le coma après la sortie de Kind of Blue et se serait réveillé au Carnegie en ce début de printemps 1974 pour mesurer le chemin parcouru par le trompettiste en seulement 15 ans.
Dark Magus c'est l'aboutissement de tout ce qui précède, le pinacle de sa période électrique. Il place la musique de Miles Davis définitivement au-delà de toute frontière de genres. Des premiers émois nés d'In a Silent Way, Miles a gardé ce goût de la fusion Jazz Rock mais pousse le vice beaucoup plus loin. Hormis sa trompette, on se croirait presque dans un disque de rock progressif comme aurait pu en pondre les allumés de Gong. Les morceaux s'étirent en de longs délires rythmés par les breaks complètement dingues de la batterie d'Al Foster qui, pour le coup, a dû beaucoup transpirer ce soir-là. Une basse vrombissante au groove imparable, une guitare sous acide, un saxophone clairement libre de ses mouvements et qui ne s'en prive pas, de curieux effets électroniques et les percussions de James Mtume complètent la photo de classe au centre de laquelle trône Miles Davis caché sous ses grosses lunettes noires et soufflant comme un dératé dans sa trompette. Au milieu de cette déferlante de décibels, quelques brefs moments de quiétude permettent à nos oreilles de se reposer pour mieux repartir tête baissée à l'assaut de ce mur de son.
Il faut malgré tout reconnaître que le plaisir procuré par l'écoute de Dark Magus n'est sans doute pas aussi immédiat que pour la plupart des albums précités. Quelques heures d'écoute de Bitches Brew et On the Corner seront peut-être nécessaires au préalable pour comprendre où Miles Davis voulait nous emmener avec ce disque. Ce n'est sans doute pas pour rien qu'il n'a longtemps été disponible qu'au Japon avant d'arriver dans nos contrées sans doute plus frileuses à ce genre d'exercice. Mais le jeu en vaut vraiment la chandelle tant l'énergie déborde de ce double LP inimitable.
Après la sortie de ce disque, Miles à la santé déclinante connaîtra une petite traversée du désert dont il finira par sortir en 1981 avec la sortie de The Man With the Horn et surtout We Want Miles en 1982 qui fera de lui une véritable star.
Doo-Bop
(Warner, 1992)
Après quelques années de vide artistique, soucis de santé et autres problèmes personnels, Miles Davis revient en force au début des années 1980 soutenu par une nouvelle génération de musiciens admiratifs au premier rang desquels se trouve le bassiste Marcus Miller. Ce comeback marqué par de gros succès commerciaux comme We Want Miles (1982), Decoy (1984), You're Under Arrest (1985) et Tutu (1986) permet à Miles de traverser la décennie comme une rock star donnant des concerts aux quatre coins du monde et posant avec tout le gratin Black d'Hollywood. Miles fait le beau et fanfaronne. En revanche, force est de constater que musicalement, cette période ne restera pas dans les annales comme la plus faste du trompettiste. Le son de ces différents albums sonne aujourd'hui terriblement daté. À sa décharge, rares sont les jazzmen de son époque, pour peu qu'ils soient encore en vie, à avoir su négocier le virage des années 80 sans y laisser trop de plumes...
Finalement, c'est son dernier album Doo Bop sorti en 1992 mais enregistré six mois avant sa mort (le 28 septembre 1991) qui apporte le dernier témoignage du talent avant-gardiste de Miles. Certes, l'album a lui aussi beaucoup vieilli mais au moment où il sort, Doo Bop est incroyablement en avance sur son temps. Le hip-hop déferle alors sur les ondes et Miles n'y est pas insensible. Naît alors l'idée d'une fusion entre le jazz et le hip-hop dans sa tête et celle du producteur new-yorkais Easy Mo Bee (producteur pour Public Enemy, Big Daddy Kane, Notorious B.I.G....). Ce dernier produit des instrumentaux à partir de samples de funk (James Brown, Kool & the Gang...) et donc de jazz (Donald Byrd, Gene Ammons...) et invite quelques rappeurs à poser leur voix sur ces beats fraîchement sortis du studio. Miles Davis joue alors de sa trompette sur ce qui s'apparente toujours à du hip-hop et le transforme ainsi en un genre inédit, la fameuse fusion Jazz-Hip-hop. Il ouvre ainsi la voie à un genre très populaire dans les 90's parfois pour le meilleur (Guru Jazzmatazz, Erik Truffaz) mais souvent pour le pire avec toute une vague soporifique d'électro-jazz lounge très emmerdante.
L'essentiel est ailleurs et l'important est une nouvelle fois de se rendre compte que même au crépuscule de sa vie, Miles Davis inventait le futur et traçait les contours de la musique de demain. Donc celle d'aujourd'hui.
Notes et références
- Selon certains auteurs Miles Davis est né le 26 mai (Miles Davis avec Quincy Troupe, L'Autobiographie, 2007, p. 12 ; Noël Balen, Miles Davis, l'ange noir, 2001, p. 14) ; pour d'autres c'est le 25 mai (Serge Loupien, Miles Davis, 1999, p. 7 ; Philippe Auclair et Thierry Jousse, Dictionnaire du Rock, 2001, p. 448 ; Ian Carr, Miles Davis, 1991, p. 7).
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 14-17.
- Voir aussi Miles Davis avec Quincy Troupe, Miles. The Autobiography, Londres, Picador, 1990 (première édition, New York, Simon & Schuster, 1989), p. 1-40, et plus spécialement, pour ce qui est des faits mentionnés dans le présent article à propos de la période 1926-1944, p. 4-5, 8-9, 18, 20-21, 24, 28, 31, 33-34, et 38-39.
- Jack Chambers, Milestones. The Music and Times of Miles Davis, New York, Da Capo Press, 1998 (originellement publié en deux volumes par Beech Tree Books, 1983 et 1985), p. 6 (vol. I).
- Jack Chambers, Milestones. The Music and Times of Miles Davis, p. 7. East Saint Louis fut le siège, le 2 juillet 1917, des émeutes raciales contre les noirs les plus sanglantes de l’histoire des États-Unis : ce jour-là, entre 40 et 300 Afro-Américains furent lynchés par la population blanche, en toute impunité et avec l’aval de la police et des autorités (voir Yves Marrocchi, « East Saint Louis, ville rayée de la carte des États-Unis », Rue89, 20 mai 2008).
- Voir Miles Davis avec Quincy Troupe, Miles. The Autobiography, p. 22 ; « Self-Portrait: Miles Davis. A brilliant trumpeter tells in his own words how his career started », Downbeat, 6 mars 1958, réimprimé dans Frank Alkyer et al. (éds.), The Miles Davis Reader. Interviews and Features from Downbeat Magazine, New York, Hal Leonard Books, 2007, p. 42-44, spécialement p. 42 ; et John Szwed, So What: The Life of Miles Davis, New York, Simon & Schuster Paperbacks, 2004 (première édition, 2002), p. 20-21. Ce style, qui trouve l’une de ses sources chez Bix Beiderbecke, tranchait alors avec le style dominant, tout en force et en énergie, qui découlait de Louis Armstrong, et que, quelques années plus tard, Dizzy Gillespie allait transposer dans le langage du bebop (voir Jack Chambers, Milestones. The Music and Times of Miles Davis, p. 9-10 (vol. I)).
- Ian Carr, Miles Davis: The Definitive Biography, New York, Thunder’s Mouth Press, 2007 (première édition, 1999), p. 7.
- Jack Chambers, Milestones. The Music and Times of Miles Davis, p. 14 (vol. I); voir aussi Miles Davis avec Quincy Troupe, Miles. The Autobiography, p. 32-33.
- Le fait que Miles Davis ait joué pendant au moins une année entière avec les Blue Devils (Miles Davis avec Quincy Troupe, Miles. The Autobiography, p. 33), dont le répertoire était largement axé sur le rhythm 'n' blues, style qui constitue le précurseur direct du rock 'n' roll, pourrait expliquer dans une certaine mesure l’ouverture dont il fit preuve envers le rock dans les années 1960. Dans une entrevue réalisée en 1969, Miles déclara : « Il n’est pas nécessaire d’avoir un talent particulier pour jouer du rock 'n' roll. C’est ce que nous jouions quand j’ai commencé à jouer avec les Blue Devils d’Eddie Randle à Saint-Louis. C’est ce que nous jouions, constamment » (cité dans Jack Chambers, Milestones. The Music and Times of Miles Davis, p. 14 (vol. I)). Signalons que Chuck Berry, à qui l’on attribue souvent la paternité du rock 'n' roll, a vu le jour comme Miles Davis en 1926, et est né et a grandi à Saint-Louis, que seul un pont sépare d’East Saint Louis, où a été élevé Miles Davis. Les deux hommes sont donc issus du même milieu musical.
- Miles Davis avec Quincy Troupe, Miles. The Autobiography, p. 4, 16, 21 et surtout 36-37.
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 19, 22 à 26
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 29
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 38, 40, 43, 46
- Miles - l'autobiographie par Miles Davis avec Quincy Troupe
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 49
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 52, 53, 54
- Ian Carr, Miles Davis, 1982, éditions Parenthèse, 1991 (trad. française).
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 59, 62, 63
- Jazzman, no 137 juillet 2007, p. 19
- Richard Williams, Miles Davis, L'Homme à la chemise verte, Éditions Plume. p. 73
- Franck Bergerot, Miles Davis, Introduction à l'écoute du jazz moderne, Seuil, 1996, p. 19
- Dans son livre Electrique Miles Davis 1968-1975, on notera toutefois que l'auteur défend la thèse selon laquelle seuls les motifs artistiques sont le moteur de l'évolution de Miles Davis
- Il est aussi connu pour sa participation à l'album le plus controversé de toute la carrière du bluesman Muddy Waters, l'album Electric Mud.
- Citation extraite de la fin de l'éditorial de François-René Simon paru dans le hors série de Jazz Magazine d'octobre 1991 consacré à Miles Davis.
- L'éclat et le mystère d'un magicien, www.lefigaro.fr (consulté le 4 février 2014).
- Carte blanche à Nacim Brahimi à la Clef de Voûte, www.jazz-rhone-alpes.com (consulté le 4 février 2014).
- Art Farmer dans Melody Maker, 25 mars 1960, cité par Ian Carr, dans Miles Davis, parenthèse, 1991.
- Exposition - Queremos Miles au CCBB, www.lepetitjournal.com (consulté le 4 février 2014).
- Pannonica de Koenigswarter. Les Musiciens de jazz et leurs trois vœux, éditions Buchet/Chastel, 2007.
- (en) Miles Davis : 1984 NEA Jazz Master, (consulté le 9 février 2015).
- (en) The RS 500 Greatest Albums of All Time.
- Voir note no 11 sur Walkin'
- « Join MILES AHEAD - A Don Cheadle Film », sur www.indiegogo.com, 3 juin 2014 (consulté le 19 septembre 2014).
- Nina Terrero, « First Look: Don Cheadle as Miles Davis in biopic 'Miles Ahead' », sur insidemovies.ew.com, 7 juillet 2014 (consulté le 19 septembre 2014).
- (en)Dave McNary, « Don Cheadle’s ‘Miles Ahead’ to Close New York Film Festival », sur Variety, 22 juillet 2015 (consulté le 2 janvier 2016)
Annexes
Bibliographie
[réf. incomplète]
- Ian Carr, Miles Davis, William Morrow & Co, 1982, traduction française : éditions Parenthèse, 1991 (ISBN 2-86364-057-7)
- Eric Nisenson, Round about midnight: Un portrait de Miles Davis, Denoël, 1982 ; nouvelle édition, Denoël, collection X-trême, 1999
- Jack Chambers, Milestones: The Music and Times of Miles Davis, Quill, 1989
- Miles Davis avec Quincy Troupe, Miles : L'autobiographie, Presses de la Renaissance, 1989 ; réédition revue et corrigée, Infolio, 2007 (ISBN 978-2-88474-919-0)
- Laurent Cugny, Electrique : Miles Davis, 1968-1975, Marseille, André Dimanche Éditeur, coll. « Birdland », 1993
- Richard Williams, Miles Davis, L'homme à la chemise verte, éditions Plume, 1994
- Franck Bergerot, Miles Davis, Introduction à l'écoute du jazz moderne, Le Seuil, 1996
- Serge Loupien, Miles Davis, collection Librio no 307, 1999
- Ashley Kahn, Kind of Blue. Le Making of du chef d'œuvre de Miles Davis, éditions Le Mot et le Reste, 2009
- Noël Balen, Miles Davis, l'ange noir, éditions Mille et une nuits/Arte éditions, 2001
- Alain Gerber, Miles Davis et le Blues du blanc, Fayard, 2003
- Jean-Pierre Jackson, Miles Davis, Actes Sud, 2007
- Quincy Troupe, Miles Davis, Miles et moi, Le Castor astral, 2009
- Franck Médioni, "Miles Davis, 80 musiciens de jazz témoignent", éditions Actes Sud, 2009
- Stéphane Carini : Les Singularités flottantes de Wayne Shorter, éditions Rouge profond
- Franck Médioni, Tristan Soler, Miles Davis, le prince du jazz, éditions À dos d'âne, 2016
- Franck Médioni, "Lettres à Miles", Editions Alter Ego, 2016
Articles
- Jazz Magazine : articles « Spécial Miles Davis » parus dans les nos 570 et 571
Liens externes
- Notices d'autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Union List of Artist Names • Bibliothèque nationale de France (données) • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • Bibliothèque nationale de la Diète • Bibliothèque nationale d’Espagne • Bibliothèque royale des Pays-Bas • Bibliothèque universitaire de Pologne • Bibliothèque nationale de Catalogne • WorldCat
- (en) Site officiel
- (en) Miles Davis sur l’Internet Movie Database
- (en) Discographie complète de Miles Davis sur plosin.com
- (en) Discographie de Miles Davis sur jazzdisco.org
Sources :Radio Suisse Jazz, Wikipédia, Nostalgie. goutemesdisques.com
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